Tu ne savais absolument pas ce que tu foutais là, tu avais froid. Tes doigts fébriles, tu ne les sentais même plus, t'essayais de les bouger pour voir s'ils étaient encore là, bonne nouvelle.
Tu t'enlaçais de te propres bras. Ta respiration semblait si lourde. Ta peau s'en recouvrait de granulés, tes poils s'étaient tous hérissés. Tu avais froid et peur. Tu étais sans doute à mille kilomètres de chez toi, tu n'en savais rien, tu étais complètement déboussolé. Ça formait un beau mélange. Un mélange sombre, cauchemardesque. Mais, tu savais parfaitement ce qui s'était passé, t'étais encore tombé, tes membres s'étaient encore articulés et en caleçon tu avais marché. Sans doute pendant des heures, sans doute pendant des jours, les yeux fermés tu avais avancé. Normalement tu connaissais ce lieu, ta conscience ne t'y aurait pas déposé autrement, ça tu en étais certain, t'essayais de t'accrocher à cette idée comme une corde serrée à ton cou. C'était ton seul repère, ton unique chance, tellement incertaine. Tout était si noir, si fade, ça te donnait un goût sec en bouche, tes lèvres se collaient entre elles pour te rendre muet, tu te demandais bien où tu pouvais être.
Les arbres de cette forêt avaient même formé un manteau au-dessus de ta tête pour t'empêcher de repairer les étoiles, tu te demandais même si elles ne t'avaient pas abandonné. Le léger murmure des gouttes qui s'échappaient et s'écrasaient sur le manteau feuillu te terrifiait. Tu n'essayais pas de bouger un instant, tu te savais introuvable, entre chaque tronc que tu sentais mors, chaque espace vide, chaque répercussion assourdissante de toutes ces gouttes qui se transformaient en sature et perlait fiévreusement sur ton visage livide. Il n'y avait que pendant ces moments-là que tu t'accrochais à ta croix.







Il lui caresse la patte, celle de Ragg. C'était pas un chien ordinaire, c'était son chien. Son chien de traineau à lui. C'était un Golden Retriever, il portait bien son nom. Il était recouvert d'or, un or pur, un paquet de pognon. Pas vraiment du vrai argent, il ne deviendrait certainement jamais riche grâce à lui, c'était de l'or sentimental. L'or la plus rare au monde. Celle que personne ne pourrait lui voler, ni gagner. C'était son or. C'était son chien, celui qu'il emmenait même sur ses bateaux. Il lui laissa lécher sa main. Sentir que c'était bien lui. Il avait encore le visage remplie de terre huileuse. Maculé de boue et de tourbe. La forêt était un plaisir, mais uniquement pour s'amuser. Lorsque Jasper passait par la forêt s'était forcément pour revenir bon à se faire rabaissé. Se faire insulter. Chaque fois qu'il revenait de la forêt c'est qu'il revenait d'un cauchemars. Pas les cauchemars avec des vampires assoiffésde sang, qui lui aurait couru après. Pas ses cauchemars avec le méchant Dracula qui aurait voulu plonger ses crocs dans sa chair si tendre. Il n'aurait pas joué avec ses crucifix et son eau bénite pour les réduire en cendre. Non, lorsqu'il revenait avec des particules d'herbe sur son crane, c'est qu'il avait essayé de se sortir des cauchemars vivant. C'est qu'il s'était encore réveillé en pleine nuit. Qu'il avait dû courir, pieds nus. Ce coup-ci il avait eu de la chance, il avait retrouvé son chemin, mais la rosée du matin l'avait fait glisser sur un vieux tronc pourri tronçonné par les néfastes-chasseurs. Et elle le savait celle-là. Elle le savait très bien. Il bascula en hésitant la porte de la vieille cabane. À vrai dire, c'était belle et bien une maison, mais il la voyait comme une cabane, elle avait pourtant des murs conformes, un toit, des fenêtres, des volets, ce qui lui faisait penser à ça était la façon dont elle était en état : les volets fissurés, des trous dans les murs et des morceaux cartonnés pour boucher les voies d'aération. Pour lui, une cabane c'était le vieux truc construit par des mains d'enfants. Il aurait bien voulu la retaper sa demeure, mais il n'était pas maçon. Ça non. Il n'était pas maçon pour les sentiments non plus, il n'était pas maçon pour s'expliquer lorsqu'elle lui demandait d'où il venait. Il n'était pas maçon pour lui répondre que ce n'était qu'une putain qui savait très bien de ce qu'il venait de vivre. Après tout, il n'avait pas tort, c'était réellement une putain qui n'avait enfanté pas qu'un bâtard, mais trois et un quatrième était encore dans son garage à membres masculins. Il la dédaignait d'un égard suffoquant, il avait juste envie de s'écrouler. Il rependait des traces encore plus sales que le sole lui même. Il était dégueulasse et sentait la gerbe. Il sentait les bois et la merde d'élan. Elle ne se fit pas prier pour lui rappeler et lui foutre un baffe derrière la tête. Ragg l'avait suivit, avait baisser la tête por absorber les prouesses que l'autre lui offrait. Mais lui, jasper n'avait d'yeux uniquement pour elle. Il y avait Siri et Yngvar, mais il n'avait d'yeux que pour Kaia, elle venait de s'allumer une clope qu'elle se colla au bec lors de son apparition. Sa pouffiasse pouvait lui foutre autant de baffe qu'elle voulait, Kaia était présente. C'était une particule de lumière lorsqu'il faisait trop noir. Une peluche que l'on sert tellement fort, tellement contre soit pour ne pas s'en séparer. Et il s'en foutait de son âge. Et il s'en foutait de se retrouver comme une merde à ses yeux. Il s'en foutait de ce qui tournait autour de lui à vrai dire lorsqu'elle était là, jasper la voulait. Peut-être que kaia voulait aussi de jasper. Il sentait son sang s’entremêler là dans ses veines, faire le tour une fois de trop à chaque cycle dans son corps. Parce qu'à chaque fois qu'il la voyait, à chaque fois que l'amie de sa mère parvenait à ses rétines. À ses poussières de rétines. Il se rappelait de comment il l'avait touché. Il se rappelait de tout. Et peu importe s'il s'était encore lever dans son sommeil, et peu importe s'il sentait la merde, et peu importe s'il avait une mère indigne.
Il était heureux.
Ses yeux dans ses yeux.

Souvenir de jouissance à sa vision.








Reine s'affichait à l'horizon, Reine couverte d'un tissu doré, un piège à amateur, amareur. Jasper il attendait, sagement. Le coude appuyé sur les bois du bateau qui l'avait fait naviguer. Il la sentait encore cette odeur de vieux crabes. D'habitude à la fin du voyage il oubliait qu'il puait la langouste, mais le vent leur cognait en pleine face et avec ça ; l'odeur des bacs de hareng et ceux de crabes fermentés venaient fouetter la voile et le bateau en entier. Ragg s'amusait avec les mouettes qui osaient se poser sur les bacs, c'était un bon chien de garde.
La mer restait étrangement calme juste quelque ride se dessinait sur sa surface et une légère écume emboîtait la coque. Il se retourna pour le regarder. Le regarder lui : le grand au grand savoir, un demi-dieu descendu sur terre, avec sa barbe et sa grande carrure, il était son protecteur. On pouvait lire dans son regard pleins d'histoires, comme celle qu'il lui racontait lorsqu'ils devaient dormir sur les ports de Vågan , les ports de Vestvågøy ou de Røst . Il lui parlait de Rotterdam, d'Hambourg et du Havre. De ces conquêtes et de ces défaites. De ces aventures, de ces tempêtes en pleine mer, des bloques de glace qui l'avait coincé en mer du nord. C'était des étoiles de mer qui parcouraient leurs yeux. Torger, il lui avait tout appris, même le nom des poissons que personne ne connaît. Torger à la barre, Jasper aux filets. C'était bien plus qu'un duo.
Il tourna une nouvelle fois la tête vers les embruns, il n'y avait que sur ce bateau qu'il se sentait véritablement heureux. Mais le moussaillon pensait tellement à sa veuve, celle qui l'attendait en haut de la falaise. Celle qu'il s'imaginait attendre sur les rochers. Kaia. Et pendant qu'il voyait défiler des morceaux de sa vie sous le reflet géant. Il n'avait de pensée que pour Reine.